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Bollywood, la nouvelle vague ?

Bollywood est encore à l’honneur. Un peu plus de dix ans après que le super-hit « Devdas » ait fait son passage remarqué sur la Croisette, l’Inde revient sur le tapis rouge. On pourrait croire que l’histoire se répète, que l’on veut accorder à ce géant cinématographique les honneurs qui lui siéent, pourtant entre les célébrations de la décennie passée et celles d’aujourd’hui, ce n’est pas le même cinéma que l’on récompense, que l’on admire et que l’on encense.

Devdas, the classic Bollywood romance

En 2002, Devdas représentait le film Bollywood par excellence : long, lent, plein à craquer de chansons criardes et de danses langoureuses, avec un scénario éculé type « je t’aime moi non plus – mariage – belle-famille – tromperies – rabibochage ».  Un film divertissant mettant en avant les valeurs indiennes traditionnelles mais avec une mise en scène moderne pour attirer toute la classe moyenne. Un film avec des acteurs Indiens mais dont on dirait qu’il a été tourné à Disneyland.

C’est à cela que l’on reconnait un Bollywood de facture « classique » : le film se situe totalement en dehors des réalités de l’Inde pour se positionner dans une Inde fantasmée, belle et immaculée, loin de la  situation vécue par 90% des habitants du sous-continent. Soyons clairs cependant : ce genre de film exerce une attraction immense qui transcende – à peu près – classes sociales, religions et castes. Tous se retrouvent afin de s’arracher à un quotidien difficile pour mieux rêver d’une Inde parfaite, aseptisée au possible, où l’on voyage entre les malls, les demeures de luxe des NRI (Indiens immigrés en Occident) à Londres, New York ou Sydney et les nuits de noces en Suisse.

Une famille en or

Nous voilà maintenant en 2013, et les réalisateurs vedettes de l’Inde qui brille ne sont plus tendres avec les masalas movies. Anurag Kashyap, le réalisateur indien le plus en vue à l’heure actuelle, celui qui a reçu des mains d’Aurélie Filippetti la médaille de chevalier des arts et des lettres, qui a présenté des films à Cannes cette année et la précédente, résume ainsi la situation du cinéma indien mainstream aujourd’hui :

« Today, we are forced to treat our audience as children of less than five years and hence we have to only make goody-goody films with a huge dose of escapism. I want to have the option making films that tackle the issues of Indian society head on, rather than being obliged to refer to them in an oblique fashion. »

On entre dans le vif du sujet : arrêter de faire des films bisounours, et commencer à réaliser des films esthétiques, avec un vrai jeu d’acteurs et une certaine personnalité. Le temps est venu de voir apparaître un cinéma indien mûr, qui aborde des sujets de société sans prendre des pincettes.

La dernière oeuvre d’Anurag Kashyap est en ce sens révélatrice. Gangs Of Wasseypur, sorti en deux parties l’année dernière – et diffusée sur les écrans français, chose rare -, se veut aux antipodes de Devdas et autres romances niaises pour belle-mère. C’est Tarantino qui a atterri à New Delhi.

Indian Pulp

Violent, trash, sale, sombre, Gangs of Wasseypur parle de l’Inde d’en bas, celle qui reste coincée entre les mines de charbon, les mafieux, les politiciens véreux et les conflits familiaux sans fins. Enfin les masses Indiennes ont une voix sur grand écran.

Pas si vite. D’accord, Kashyap s’éloigne des films Bollywood mainstream, mais il n’est pas le premier ; son film est encore produit par les grands studios indiens; surtout, les audiences cibles sont les classes moyennes éduquées, aucunement l’Inde rurale et sous-développée, qui reste accrochée aux masala movies produits par les vieilles dynasties de Mumbai.

Ces jeunes réalisateurs (on peut citer, aux cotés d’Anurag Kashyap, Dibakar Banerjee ou Zoya Akhtar, les trois s’étant d’ailleurs réunis pour célébrer le centenaire du cinéma indien avec Bombay Talkies, où chacun réalise un court-métrage sur la ville) apportent un souffle nouveau au cinéma indien, bien décidés à secouer les normes bollywoodiennes, sans pour autant faire des films d’auteurs très intellectuels à la distribution confidentielle. Avec ces (h)indies movies, on est toujours dans un cinéma populaire, adapté à un public plus exigeant visuellement, scénaristiquement mais qui souhaite retrouver une touche distinctement « indienne ».

Pour le plaisir de tous, le cinéma indien se diversifie, devient plus mature, plus réfléchi sans pour autant perdre son ADN si particulier; masala et hindie movies s’influencent l’un l’autre, des chansons typiquement Bollywood ponctuent Gangs of Wasseypur par exemple, tandis que des femmes apparaissent en premier rôle dans certains films mainstream.

En bref, les frontières deviennent plus floues entre les genres, ce qui renforce encore un peu plus l’attrait de cette machine aux 1001 films annuels.

Nawazuddin Siddiqui, le nouvel acteur en vue à Bollywood, a récemment accordé une interview au magazine The Caravan, dans lequel il soutenait que :

« What you need to do to be a hero here [in Bollywood] ? You need to be six feet tall, fair. You need to be able to dance and maybe ride a horse. You need to have rippling muscles and know how to fight. The only thing you don’t need to know is how to act. »

Désormais, grâce à cette nouvelle vague de réalisateurs, Nawazuddin peut nous montrer l’étendue de son talent et ça, c’est définitivement masala !

Vers un nouvel âge d’or !

Nawazuddin rocks !